1. Un long parcours
Le développement d’un nouveau médicament est véritablement une tâche herculéenne: ce sont la plupart du temps des centaines de chercheurs qui y participent. Quant au parcours – depuis la première idée lumineuse d’un chercheur jusqu’au médicament prêt à l’emploi -, il réclame en moyenne douze ans et engloutit aujourd’hui environ un milliard de francs. Mais le bénéfice est également immense: dans le meilleur des cas, un médicament efficace peut sauver des millions de vie (par exemple la pénicilline et d’autres antibiotiques, mais aussi les vaccins), et rapporter beaucoup d’argent à l’entreprise. Les médicaments «vedettes», encore appelés «blockbuster», génèrent un chiffre d’affaires de 1 milliard de dollars et plus par an.
A l’origine de tout médicament figure une idée d’une chercheuse ou d’un chercheur ou bien encore une découverte faite par hasard. Souvent – mais de loin pas toujours -, ces idées viennent de la recherche fondamentale. Des milliers de chercheurs travaillent dans les universités suisses et dans les entreprises pharmaceutiques pratiquant la recherche à élucider les processus fondamentaux responsables de la survenue des maladies (recherche). Les chercheurs des entreprises poursuivent le développement de ces idées et vérifient dans la pratique leur aptitude à aboutir à un médicament (développement).
La première phase du développement d’un médicament consiste en la découverte d’une molécule cible. Une molécule cible est par exemple une protéine dont les chercheurs supposent qu’elle est impliquée dans l’apparition du cancer. De telles molécules peuvent se révéler utiles: si on les bloque ou si on les stimule – espèrent-ils -, on pourra atténuer, voire guérir la maladie. L’organisme humain est toutefois extrêmement complexe, et de nombreuses molécules différentes participent au déclenchement de la plupart des maladies endémiques. Aussi est-il rare que le fait de toucher à un «rouage» isolé permette de guérir globalement la maladie. Un appui important dans le développement des médicaments a été apporté par le génome humain, connu depuis seulement quelques années, car les informations génétiques obtenues fournissent de nombreuses indications sur les interactions entre les biomolécules dans l’organisme (voir chapitre génie génétique).
Une fois une cible identifiée, il s’agit de trouver des substances qui vont influer sur son action. Dans ce but, les entreprises pharmaceutiques ont développé de gigantesques bibliothèques qui comportent jusqu’à deux millions de substances. Ces substances sont mises individuellement en présence de la cible. Le processus porte le nom de «High Throughput Screening» (screening à cadence élevée) et est assuré par des robots. Ces derniers assurent actuellement jusqu’à 200’000 tests par jour. Une modification identifiable (par exemple une coloration du mélange) indique que la substance s’est effectivement fixée sur la cible. Les substances qui affichent au minimum une faible action sont analysées plus en détail, puis améliorées en plusieurs étapes. Car, la plupart du temps, les substances d’origine ne conviennent pas encore comme médicament, par exemple parce qu’elles sont trop rapidement dégradées dans l’organisme ou parce qu’elles sont trop peu lipophiles. Des programmes informatiques aident aussi aujourd’hui à sélectionner les modifications de substances prometteuses. En moyenne, sur 5’000 à 10’000 principes actifs analysés au départ, seuls 20 font l’objet d’un développement ultérieur.