4. Protéger les inventions, dévoiler les secrets
Depuis l’époque d’Einstein, le brevetage n’a guère changé. En voici quelques-uns des principaux principes:
On ne peut obtenir un brevet que pour une invention, pas pour une découverte. Si vous découvrez par conséquent une nouvelle variété de plante dans la forêt, vous ne pouvez pas la faire tout simplement breveter. En revanche, si vous trouvez dans cette plante une substance qui agit, par exemple, contre le cancer du poumon, vous pouvez faire breveter l’utilisation de cette substance comme médicament anti-cancéreux.
Si l’utilisation de l’invention est contraire à l’«ordre public ou aux bonnes mœurs», elle ne peut pas être brevetée. Il n’existe pas non plus de brevets pour des variétés végétales ou des espèces animales, non plus que – pour l’essentiel – pour des procédés biologiques visant à l’obtention de plantes ou d’animaux. Il est néanmoins possible de breveter des procédés relatifs à l’exploitation ou à l’utilisation de découvertes; c’est pourquoi il existe par exemple des brevets portant sur une méthode thérapeutique reposant sur le décryptage du génome humain.
Pour qu’une invention soit brevetable, elle doit remplir trois critères:
- L’invention doit être nouvelle. Une invention est nouvelle dès lors qu’elle ne découle pas de l’«état de la technique». On ne peut donc pas recevoir de brevet portant sur quelque chose d’ancien – l’aspirine, par exemple.
- L’invention ne doit pas être évidente: Si l’un de vos collègues, qui en sait tout autant que vous sur un domaine donné, pourrait aboutir sans grande réflexion à cette même invention, elle ne peut pas être brevetée.
- L’invention doit être applicable industriellement; autrement dit, on doit pouvoir l’utiliser et vendre le produit qui en résulte.
On peut alors se demander ce qu’un brevet apporte en réalité. Les Vénitiens ont introduit les brevets pour protéger leurs propres inventions et récompenser tous ceux qui faisaient preuve d’une activité inventive. Effectivement, un brevet apporte d’abord quelque chose à celui qui possède le brevet. Il peut l’exploiter seul et peut, s’il le désire, exclure totalement des tiers de l’exploitation de son invention. Mais il peut aussi en faire une affaire: il peut vendre son brevet ou concéder à d’autres pour un certain temps les droits d’exploitation sous forme de licence.
Mais l’opinion publique en bénéficie également: lorsque l’invention est brevetée, elle est aussi publiée – autrement dit, chacun peut la consulter à l’Office des brevets et s’informer sur une invention. Ainsi les nouvelles connaissances que comporte l’invention peuvent-elles être à leur tour utilisées pour de nouvelles inventions. De nouvelles inventions peuvent ainsi certainement plus facilement voir le jour que si l’invention avait été tenue secrète.
A propos de secret: il vaut parfois mieux qu’une invention ne soit pas publiée. Le coca-cola en est un bon exemple. Si la recette de la boisson avait été brevetée lors de son lancement, il y a 120 ans, elle aurait été connue. Et comme la protection conférée par le brevet serait entre temps venue à échéance, tout le monde pourrait aujourd’hui fabriquer et vendre cette boisson. L’entreprise a toutefois préféré ne pas déposer de demande de brevet et tenir la formule secrète. Elle en profite encore aujourd’hui.
Si vous possédez un brevet, vous n’avez pas nécessairement le droit d’interdire d’exploiter l’invention: des chercheurs peuvent par exemple utiliser une invention, même s’ils ne disposent d’aucune autorisation de l’inventeur. Les agriculteurs, eux aussi, peuvent par exemple continuer à cultiver une plante, même si celle-ci comporte une invention brevetée. A l’heure actuelle, on compte aujourd’hui plus de quatre millions de brevets en vigueur dans le monde et, chaque année, quelque 800’000 inventions font l’objet d’une demande de brevet. Toutefois, lorsqu’un brevet est délivré dans un pays, cela ne signifie pas que la protection s’applique aussi dans d’autres pays. C’est pourquoi les brevets doivent également faire l’objet d’une demande pour d’autres pays. En Suisse, on dénombre environ 85’000 brevets en vigueur. La plupart de ces brevets, à savoir près de 80’000, sont des brevets européens, c’est-à-dire qu’ils sont enregistrés auprès de l’Office européen des brevets, à Munich, et qu’ils sont valables pour plusieurs pays. Rien qu’en provenance de Suisse, ce sont quelques 4’000 nouveaux brevets qui sont déposés chaque année auprès des offices de brevets internationaux. Rapporté au nombre d’habitants, la Suisse possède ainsi les inventeurs les plus assidus, et elle est donc championne du monde en matière de brevetage. La plupart des inventions sont présentées en médecine (environ 1 sur 10), mais des brevets sont également souvent délivrés dans les domaines de la biochimie et du génie génétique (1 sur 30). On peut considérer qu’environ une invention sur cinq porte sur les sciences de la vie. Les sciences de la vie constituent ainsi la plus grande part des dépôts de brevets.